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  • Photo du rédacteurGaelle Rauche

Le jour où j'ai fait Compostelle...

mais pas complètement. Pour le moment, je suis à Ronceveaux. Ce qui veut dire que j'ai passé les Pyrénées, frontière tranquille pour arriver en Espagne. J'ai fait 780 km et mes pieds s'en souviennent.


J'ai suivi la voie du Puy, le GR65 qui va du Puy-en-Velay (en Haute-Loire) jusqu'à Saint-Jean-Pied-de-Port. En plusieurs fois, ou plutôt deux fois. La première fois, je suis partie dix jours jusqu'à Conques, la belle et merveilleuse Conques, dont l'Abbaye s'élève au milieu d'une vallée verdoyante. Comme un Hobbit à la recherche de l'anneau, je suis arrivée en terre promise avec toute l'émotion de ces dix jours de marche en partant d'un lieu qui m'était cher. Etant née à Saint-Etienne, d'une maman née en Haute-Loire, de grands-parents nés en Haute-Loire, il y avait quelque chose de symbolique dans le fait de commencer le chemin au Puy-en-Velay, pour aller jusqu'à ma renaissance.


Quand j'étais enfant, une légende racontait que le sculpteur de la madone s'était suicidé en sautant de la couronne, car il avait fait l'enfant Jésus du mauvais côté, dans les bras de Marie. Et cette légende, comme toutes les légendes, m'a bercée. Et je la retraversais à chaque fois que j'approchais du Puy-en-Velay et de sa vierge, qui contemple la ville... la bonne mère en quelque sorte.


Cette première partie du chemin m'a appris l'humanité. C'est la réponse que je donnais à la question que l'on ne me posait pas. Sur le chemin, j'ai rencontré des humains. Qui ouvrent leurs volets le matin très tôt et vous sourient, parfois vous offrent un café. Et j'ai aussi appris que je devais continuer le chemin, mais seule.


J'étais partie avec une maman et son fils, rencontrée sur un forum de pèlerins. Nous avions réservé tous les gîtes, dans un chemin bien rodé et orchestré laissant peu de place à l'imprévu. Je cherchais des réponses. Sans connaître les questions. Jusqu'à Conques, où Sainte Foy veillait. Derrière les vitraux de Soulages, une exposition sur les réfugiés d'Érythrée avec des photos sorties d'un film... voyage en barbarie. Nous sommes en 2015... l'année suivante, je pars au Sénégal. Je visite l'île de Gorée et les réfugiés d'Erythrée reviennent me hanter. Les chaînes reviennent me hanter et me parler, comme un fil à dénouer entre Conques et Gorée.


Je reprends le chemin.


Seule. Mais pas vraiment, car on est jamais seule sur le chemin. C'est une sorte d'allégorie de la vie. On croise des gens avec lesquels on marche quelques temps, que l'on perd de vue, que l'on retrouve, parfois de manière imprévue. Et puis, on croise les bonnes personnes. Cette fois-ci, je suis partie vingt-trois jours et j'ai failli abandonner à la première étape. Une étape de 34 km sous un soleil de plomb, et une cheville qui me permettait à peine d'avancer. Mais, j'ai croisé Solène qui a porté mon sac-à-dos. Puis, Graziella qui a soigné mes ampoules et a partagé son repas avec moi. Fabien, qui a soigné mes chevilles et m'a demandé d'arrêter quelques jours le chemin, que j'ai poursuivi. Avec une chevillère, un bâton en bois oublié et avec Karine. Puis Valérie. Puis Géraldine, Capucine et Louise. J'ai compris que j'avais besoin des autres pour continuer à avancer, et que je devais accepter de recevoir, non pas seulement de donner. A Lascabanes, je me suis fait laver les pieds par un prêtre. Je continue le chemin, puis je m'arrête, dans les endroits où je me sens bien, sans réfléchir, en essayant de me centrer sur l'essentiel, sur la rencontre, sur le ressenti de mon corps, de mon âme. Sur l'énergie des lieux, sur le hasard, s'il existe.


Je laisse tomber les guides, les réservations, les questions. Et je trouve, ce que je ne cherchais pas. Des frigos laissés au milieu de rien, pour les pèlerins qui passent. Des yaourts, des gâteaux, des mains tendus, des sourires, des pleurs aussi. Des personnes qui n'ont jamais quitté le chemin, qui ont acheté un gîte pour rester au plus près des pèlerins. D'autres qui continuent à marcher, sans s'arrêter. Et le passage des Pyrénées, redouté par tous les pèlerins... une beauté difficile à imaginer.


Prendre le temps de s'arrêter, de regarder le paysage, de sentir son souffle, et même le corps souffrant, se rendre compte que l'on est vivant.


Juste.

Vivant.

A cet instant.

Présent.


J'ai dû voir un ostéopathe et prendre de la cortisone en rentrant, car pendant trois semaines je mettais environ quinze minutes avant de pouvoir poser autre chose que les talons par terre. Je ne dormais plus car tout mon corps, et surtout mes hanches me faisaient souffrir. Mais j'étais vivante. Et je le savais, désormais.


Alors, peu importe le chemin que vous choisissez d'emprunter, quelle voie. Laissez vous surprendre, par votre propre force interne.


Beaucoup de forums pourront vous guider pour choisir de bonnes chaussures de randonnée, un bon sac à dos, des lieux où dormir et manger. Je n'aurai qu'un conseil à vous donner, prenez soin de vos pieds. Ils sont ce qui vous portent, vous ancrent à la terre et à vous m'aime. Si vos pieds n'avancent pas car ils ont des ampoules, c'est qu'ils ont été mal chaussés, mal pansés, mal soignés... et s'ils n'avancent pas, vous n'avancez pas. Et prenez soin de votre dos, en ne portant que l'essentiel pour vivre. Bien peu de choses en réalité... un short, un tee-shirt, un legging, un pull, un k-way, un duvet, un savon de Marseille, des anti-douleurs, de quoi soigner des ampoules, des tongs, un pyjama, un guide, un chargeur, un livre, une gourde, des fruits secs... pas plus de 8 kg pour une femme.


Et surtout. Une porte ouverte sur l'autre, sur soi, sur la vie elle-même.


ULTREIA.






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